Lectures d’été…


Quelques mots aujourd’hui pour partager avec vous l’une de mes lectures d’été que j’ai adoré : Villa Taylor, roman paru en mai dernier aux Editions Anne Carrière.

Le Pitch : Diane de Verneuil, très marquée par l’abandon de sa mère alors qu’elle était tout bébé, rêvait d’une famille. Déjà « Orpheline face à l’immensité du monde » elle est ensuite anéantie par la découverte de sa stérilité. Abandonnée une seconde fois par Cédric, l’homme qu’elle aimait et qui n’a pas su gérer la situation, elle devient alors une « executive woman ». A 35 ans, elle est froide, lisse et détachée et dirige d’une main de fer une banque d’affaires parisienne. Véritable prédatrice de la finance qui ne perd jamais le contrôle, elle croit, à tord, que sa réussite matérielle l’aidera à cicatriser les blessures de son enfance et palier à la peur de l’avenir, des hommes et de la solitude. Elevée par sa grand-mère, Moune, à Marrakech elle a, depuis ses 15 ans, et faute de réponses obtenues auprès des siens sur les origines de l’abandon de sa mère, tourné le dos à son passé, banni le Maroc et le lieu de son enfance. C’est la mort de son aïeule vingt ans plus tard et le devoir de régler sa succession qui vont l’obliger à refouler le sol rouge de sa ville natale et à retrouver la prestigieuse villa de son enfance. Un lieu hors du commun, véritable bijou art déco posé au cœur de Guéliz, qui a accueilli de nombreux grands de ce monde comme Chaplin, Roosevelt ou Winston Churchill : la villa Taylor. 

D’abord bien décidée à la vendre à de riches investisseurs, elle se rend très vite compte que cette propriété des années 20 est la clé de son passé, de son abandon, de la disparition de sa mère et de tous ces secrets scrupuleusement dissimulés par son entourage sa vie durant, notamment par son père et sa grand-mère. Elle y rencontre Salim, fils du Notaire en charge de la succession, qui tout comme elle, est à la recherche de ses racines. Et c’est la villa, personnage clé du roman, qui va la sauver, en lui délivrant très progressivement, les secrets de son enfance.

J’ai lu ce roman parfaitement écrit, intelligent, divertissant et attachant d’une seule traite. Bien évidemment comme je l’ai adoré, je l’ai trouvé trop court alors qu’il est parfaitement cadencé. Je n’ai pas foulé les rues de Marrakech depuis quatre mois, mais grâce à ce voyage littéraire j’ai pu à nouveau m’y transporter de ma verte Auvergne. En dévorant les pages, j’y ai retrouvé ce qui m’attire le plus : la ville et ses couleurs, ses odeurs, l’héritage de son passé, son mystère, la rencontre de deux cultures si éloignées et parfois si proches.

Au fil de ma lecture, j’ai respiré les odeurs de menthe poivrée, de fleurs de bigaradier, admiré les allées bordées d’aloès, les cascades de fleurs éclatantes des bougainvillées, la hauteur des palmiers et le gris argenté des oliviers d’un jardin centenaire perdu au milieu d’un quartier transformé par la modernité d’aujourd’hui. J’ai ressenti l’air sec, chaud et pesant qui peut bruler telle la braise attisée par le Chergui, le vent du Sahara. Une atmosphère chargée des lourdes senteurs issues du mélange du trafic grouillant de la cité, de sa pollution et des odeurs de ses jardins préservés : celle des parcs chargés des effluves de fleurs d’oranger, de jasmin, de roses ou de ma plante préférée, le galant de nuit. J’y ai entendu le vrombissement d’une ville où le béton et les immeubles ont aujourd’hui envahi beaucoup l’espace, entendu les klaxons, le bruit des mobylettes, mais aussi le pépiement des oiseaux de ses jardins secrets.

Je me suis imaginée sur la terrasse de la villa, comme Churchill le faisait d’antan fumant à moitié trois ou quatre cigares tout en sirotant-des whiskys soda, en train d’admirer les sommets enneigés de l’Atlas que j’affectionne tant.

J’ai salivé en humant l’odeur des galettes de semoules fraichement cuites sur le kanoun réalisée par Halima, gardienne de la villa et de ses secrets. J’ai repensé à la magie d’antan de l’ancienne Mamounia qui nous rappelait un passé suranné que j’aurais aimé connaître et que j’affectionnais tant avant sa rénovation.

Tel un film, j’ai adoré l’histoire d’amour, la progression de cette femme et de l’intrigue jusqu’à la révélation du secret. En bref, un roman que je conserverai, véritable petite pépite que je vous recommande d’acquérir de toute urgence et qui mérite un réel succès.

A ceux et celles qui se posent la question, sachez que la villa existe. Située en plein cœur de Guéliz, elle est un vestige d’une époque révolue et n’est malheureusement pas ouverte au public. Les deux auteurs du Roman, puisqu’il s’agit d’un ouvrage écrit à quatre mains, Michel Canesi et Jamil Rahmani, ont eu la chance d’y séjourner lors de l’écriture du livre. Tout d’abord appelée la Saadia (la bienheureuse) la villa a ensuite été renommée du nom de la première propriétaire : Edith Bishop Taylor. Sir Winston Churchill y séjourna à plusieurs reprises et y peignit la toile qui fait office de couverture du livre depuis l’une des terrasses berbères de la villa en 1948.

Si le Guéliz, quartier fondé sous le protectorat français et bien connu des marrakchi vous intéresse, sachez que Rachel Thomann, une jeune et pétillante auteure suisse résidant à Marrakech, vient également de publier aux Editions Sarrazines & Co « LE GUELIZ, une histoire de Patrimoine », un travail minutieux sur la ville nouvelle de Marrakech qui vous permettra, c’est certain, de découvrir une mémoire et une identité collective qui semblent éveiller les coeurs et les passions et que j’attends avec impatience de pouvoir dévorer.
VILLA TAYLOR de Michel Canesi et Jamil Rahmani – Editions Anne Carrière

Prix: 19 € – ISBN: 978-2-8433-7849-2

LE GUELIZ, UNE HISTOIRE DE PATRIMOINE de Rachel Thomann  – Editions Sarrazines & Co 

Prix: 24€ – ISBN-13 : 9789954395554

 

Le rire pour arme…

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Je suis un public difficile. Il y a peu d’humoristes qui me font rire. Pourtant, hier soir, dans la salle pleine à craquer de la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand, j’ai osé rire à gorge déployée de la première à la dernière minute du spectacle politiquement (très) incorrect sans filtre et totalement engagé de Jérémy Ferrari « Vends 2 pièces à Beyrouth ». Son thème : la guerre.

Dès les premiers mots, l’horreur est pourtant de la partie, directement, frontalement mais c’est tellement poussé à son paroxysme qu’on ne peut qu’en rire. N’allez pas croire que je sois accroc au cynisme ou à l’humour cinglant, voire noir, parce que la totalité du public, soit environ 1400 spectateurs, a ri autant que moi. Pourquoi ? Parce que l’humour de Jérémy, comédien, auteur et trentenaire révolté, est salvateur, libérateur, inquisiteur, déculpabilisant et intelligent et qu’il amène à se poser de vraies questions sur le monde dans lequel on vit.

A ce stade d’humour, on n’est plus dans le corrosif mais dans l’explosif. La pudibonderie n’a plus sa place et qui aurait pu imaginer que l’on puisse s’autoriser à rire à l’évocation de sujets aussi sensibles que le terrorisme ? D’ailleurs dès le début du spectacle, le ton est donné : Jérémy désigne un chef de sécurité de fond de salle et lui demande s’il serait capable de désarmer un terroriste en cas de Bataclan bis. Il propose ensuite « aux pauvres spectateurs du fond et du balcon » de faire barrage pour permettre aux riches de devant de s’échapper plus vite.

Il évoque ensuite le recrutement d’extrémistes dans un sketch hilarant ou un recruteur de Daech se retrouve désespéré face à de nouveaux candidats au suicide kamikazes totalement incapables. Il se met dans la peau du pompiste qui a permis d’arrêter les frères Kouachi lors de l’attentat de Charlie Hebdo, nous donne un cours de géopolitique accéléré de la naissance de Mahomet aux attentats du 11 septembre, explique le conflit israélo-palestinien, évoque la sécurité de l’Etat et ses dysfonctionnements.

Il s’en prend à nos dirigeants, aussi bien Hollande que Sarkozy et à leurs conseillers (BHL est largement égratigné) qui partent en guerre pour soit disant rendre aux peuples leur liberté, et qui s’en vont, alors même que c’est le plein chaos dans ces pays où ils sont intervenus. Tout ça pour monter dans les sondages parce que c’est bien connu : la guerre ça dope la côte de popularité. Il dénonce l’inacceptable comme la remise de la légion d’honneur au Prince héritier d’Arabie saoudite (pays des droits de l’Homme c’est bien connu), la présence de dictateurs à la marche pour la liberté l’année dernière…

Comme le pitch de son spectacle le promet, Jérémy Ferrari répond aux questions que l’on ose même plus poser :

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En période d’état d’alerte sommes-nous vraiment protégés par la police montée ou celle qui patrouille en roller ? Daech, est-ce vraiment une start up qui monte ? Les entreprises qui ont fait fortune grâce au régime nazi doivent-elles s’en vouloir ? Il vous promet une formation antiterroriste et vous explique pourquoi Al Qaida sans Ben Laden, c’est comme Apple sans Steve Jobs.

Provocateur ? Jérémy Ferrari l’est sans nul doute mais très remonté sur certains faits sociétaux, il utilise un humour acéré, cinglant, mais extrêmement documenté, et des textes affutés travaillés avec pertinence et intelligence pour dénoncer l’inacceptable.

Dès lors, lassé d’être considéré comme des béni-oui-oui et d’accepter sans ciller « la soupe » que les politiques nous servent et que les médias relaient comme un seul homme, le public, pris à parti dès les premières minutes, adhère au spectacle jusqu’à acclamer par une standing ovation spontanée l’artiste, à l’issue du show.

Jérémy dit haut et fort avec maestria ce que la majorité pense tout bas et que nos gouvernants ne veulent surtout pas entendre. C’est certain, ça ne va pas plaire à tout le monde mais presque toutes les dates affichent « complet ».

Plus que culotté, courageux, Jérémy Ferrari affirme ne pas avoir voulu une seule seconde se censurer et n’hésite pas à faire tomber la bien-pensance collective qui voudrait qu’on n’évoque pas certains sujets générateurs de tensions, qu’on ne touche pas aux Institutions ni même à l’image reluisante de certaines ONG pleines aux as, sensées prendre part au sauvetage des maux du monde et qui s’en mettent plein les poches (bilans comptables à l’appui). D’ailleurs, Jérémy va plus loin, sur son site internet, on peut consulter et télécharger toutes les sources documentées dont il s’est servi pour l’écriture de son spectacle.

Certains comparent Jérémy à Daniel Balavoine pour ses prises de position (on s’en souvient, nullement impressionné, il n’a pas hésité à ferrailler verbalement avec Valls dans l’émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier), d’autres à Coluche pour son côté populaire ou à Desproges,  mais Jérémy est lui même, sans compromis, refusant d’aller, comme il le dit sur scène « se faire des hémorroïdes sur un plateau penché » (dixit l’émission d’Arthur) pour céder aux sirènes de la promo facile.

Si Jérémy  « emmerde le monde », il transpire la sincérité et nous permet d’affirmer que oui, on peut rire de tout, dès lors que c’est intelligent et que ça ouvre le débat.

Cheers !

Jérémy Ferrari est en tournée jusqu’en juin 2017. Pour consulter les dates de ses prochains shows, c’est par ici.

J’l’aimais tellement fort que j’l’aime encore…

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La fabuleuse histoire de Mister swing, alias Michel Jonasz, j’l’avais inscrite un soir en rouge et noir, sur mon planning et suis allée la voir.

Vendredi 6 février 2015, 21h00. Le rendez-vous était fixé entre Michel, Jean-Yves d’Angelo et le tout Paris pour ce récital piano/voix opus numéro 2.

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On peut toujours croire que les p’tites cases de la mémoire peuvent s’ouvrir comme des tiroirs et laisser partir les souvenirs et bien, j’l’aimais tellement fort que j’l’aime encore Michel Jonasz et que ses chansons sont toutes pour moi comme des petites madeleines de Proust qui m’évoquent des émotions et de sacrés souvenirs.

Bref, un peu partie un peu naze, j’étais allée voir Michel, histoire d’oublier un peu le cours de ma vie et oui, par cœur, décidément, j’le connais par cœur.

C’est un pari risqué pour un spectateur d’aller voir le concert d’un artiste apprécié une vie durant.

D’abord, parce que l’expérience du live n’est pas toujours réussie, d’autre part parce que la voix que l’on aime peut s’être ternie avec le temps ou bien encore que les chansons que l’on a adoré peuvent ne pas être au menu du concert.

Mais ce vendredi 6 février, en cette nuit, la grande la belle, c’est l’heure des privilèges, j’ai du bonheur et croyez-moi, je le tiens bien.

Et nous voilà ensemble. Unis vers l’uni.

Jonasz est Mister Swing, plus jeune encore qu’il y a six ans, d’Angelo est le pianiste génialissime qu’on connait, et ces deux là, en osmose, réunis par leur passion du blues et de la musique assurent un show d’exception que j’aurais aimé ne jamais voir s’arrêter.

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La voix chaude de Michel qui s’en va dans les fils et dans les airs, fait tout, sauf retomber par terre.

Du blues, du blues, du blues, il m’faut du blues et c’est exactement ce que je reçois.

« Vas-y groove, baby, groove », ai-je envie de lancer à mon voisin de siège qui se trémousse en rythme.

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Ce duo là, ne fait qu’un avec le public et le son est bon, si bon, que non décidément Michel: j’veux pas que tu t’en ailles.

J’attends avec impatience le concert du Michel Jonasz Quartet du 19 septembre prochain qui réunira Michel au micro, Jean-Yves D’Angelo au Piano, Manu Katché à la batterie et Jérome Regard, à la contrebasse.

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Je vous l’annonce : c’est certain, ça va swinguer !

Je descends les marches du Casino de Paris, accompagnée de Kenza, une super nana, je repars enchantée et monte dans un taxi, histoire de reprendre le cours de ma vie.

Mais qu’est ce que c’est que cette musique dans ma tête, ça tourne, ça tourne, jamais ça s’arrête …

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Quand le blé vient bien, tout va bien !

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Les journaux d’aujourd’hui font le buzz en nous parlant de l’opération de la prostate que François Hollande a subi en 2011 (il y a 2 ans !), quelques semaines avant la primaire socialiste avant même qu’il ne soit élu Président. L’Elysée se sent même obligé de préciser dans un communiqué qu’il s’agissait d’une «intervention bénigne» qui n’a «nécessité aucun suivi médical».

Autant être franche et claire : « So What ? »

On s’en tamponne le coquillard surtout que le Président est en parfaite santé, semble t-il.

N’eut-il pas mieux valu s’épancher un peu plus sur le fait que l’Assemblée ait adopté ce jour, la proposition de loi pénalisant les clients de prostituées ?
Je m’étonne seulement que le 29 novembre dernier se soit ouvert ce débat dans un hémicycle plus que clairsemé en seule présence d’une trentaine de députés alors qu’ils sont normalement 577 (payés par nos impôts).
Bref, j’aurais tant à dire sur notre société que je préfère me taire car sinon ma promesse initiale de vous permettre de lire mon billet le temps d’un café ne pourra pas être tenue.

Passons à la bonne nouvelle du jour qui j’en suis certaine, elle, ne fera pas polémique : C’est la Sainte Barbe et tous les provençaux comme moi se réjouissent alors autant vous faire partager un peu de cette jolie tradition.

Pourquoi ?
Parce que planter le blé de la Sainte Barbe, 20 jours avant Noël, reste l’une des traditions de la saison de Noël (dite « la calendale ») les plus suivies en Provence.

Il s’agit pour les enfants de semer du blé dans trois coupelles (symbole de la trinité) le 4 décembre. Le blé germé viendra décorer la table des 13 desserts lors du gros souper.

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Si le blé est dru, droit et bien vert pour Noël, ce sera un signe de prospérité pour l’année à venir.

On en a tous bien besoin, non ?

Vous avez envie d’essayer ? Si vous habitez dans le sud rien de plus simple : les petits sachets sont en vente partout voyez par vous-même ici.

Si comme moi, vous êtes un(e) provençal(e) exilé(e) il y a fort à parier que l’on vous propose des sacs de 10 kg de graines de blé.

J’ai raconté ma jolie tradition à un vendeur auvergnat en lui demandant si en réserve il n’avait pas un sac troué et je crois qu’il a eu pitié de moi cet après-midi, j’ai donc récupéré un godet de graines.

Pour réaliser vos plantations : Garnissez vos trois soucoupes de coton, arrosez-les avec un verre d’eau.

Disposez les grains de blé, (ou à défaut de lentilles), bien serrés mais sur un seul niveau.

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Arrosez régulièrement les soucoupes sans les noyer pour éviter le pourrissement des graines.

Lorsque les germes sont suffisamment grands, liez-les avec un ruban rouge et or aux couleurs de la Provence.

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Après Noël, choisissez un endroit protégé du jardin et enterrez le coton avec le blé. Vous pouvez pratiquer cette activité avec vos enfants, vous verrez ça les amusera !

La réussite de votre semence de blé conditionne la prospérité de votre année à venir, alors prenez en soin !

 Et comme on dit en provençal : Quand lou blad vèn bèn, tout vèn bèn !

Pleyel plaque ses derniers accords.

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C’est fini, une entreprise française se meurt, une de plus me direz-vous.

La fin de quelque chose c’est comme le départ de quelqu’un, on le regrette… plus ou moins.

Je vais regretter Pleyel.

Si vous n’avez pas encore eu le bonheur de découvrir la musique classique, peut-être avez-vous hérité d’un de ces vieux pianos, sur lequel votre enfant s’exerce maladroitement aujourd’hui ? Si c’est un Pleyel, gardez-le bien, il fait partie du patrimoine français et dans quelques temps, les collectionneurs se l’arracheront.

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Au réveil ce matin, j’ai entendu l’extrait d’un communiqué de la Confédération Française des Métiers d’Art (CFMA) annonçant que « Dans une indifférence quasi générale, les prestigieux ateliers Pleyel ont annoncé l’arrêt de l’activité du site de St Denis ». L’un des fleurons de l’industrie musicale française fondé il y a un peu plus de 200 ans par le compositeur Ignace Pleyel (1757-1831) a donc été tué par le manque de rentabilité et par une concurrence asiatique, notamment chinoise et coréenne, devenue impossible à contrer. Pleyel a confirmé la fermeture avant la fin de l’année de ses ateliers qui ne produisaient plus qu’une vingtaine de pianos de prestige par an après avoir déjà fermé en 2007 son site d’Alès qui fabriquait alors annuellement encore 1700 pianos.

Pleyel, c’est le plus ancien fabricant de pianos encore en activité dans le monde.

Un nom français qui a résisté jusqu’alors et qui existe notamment grâce à sa première particularité justement si appréciée : sa sonorité. Liszt, Debussy ou encore Saint-Saëns y ont joué leurs plus belles partitions mais le piano Pleyel sera pour toujours associé au nom de Frédéric Chopin, « artiste Pleyel » comme Liszt le fut chez Erard et qui lui permit d’atteindre une alchimie sonore entre son piano et son univers qui évolua sans cesse vers une sophistication poussée à l’extrême de la musique.

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Ce sont les pianos Pleyel et leurs palettes de sonorités que l’on dit extrêmement romantiques et leur toucher si particulier qui permirent donc à Chopin de composer directement au piano (et non à la table) ses plus belles œuvres et ce, avec un degré de couleurs, de nuances et de précision extrême dans sa composition.

Avec son savoir-faire unique et rare, Pleyel est à la haute facture instrumentale ce qu’est Rolls-Royce à l’automobile.

J’ai une pensée pour son personnel, 14 passionnés et ouvriers d’art, derniers garants de ce savoir-faire, qui, si rien ni personne ne vient à leur secours, vont donc perdre leur emploi. En 2008, la société Pleyel avait pourtant obtenu le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » (EPV), attribué par l’Etat afin de distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.

Cette même année qui a consacrée « Voie lactée », le piano conçu par Andrée Putman, designer mythique, après que Pleyel lui ait demandé de dessiner le piano du 21ème siècle. Un instrument cristallisé en un objet de luxe unique, transformé en une boite à musique grandeur nature, sublimé dans des proportions inédites.

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Alors, j’ose encore espérer que l’Etat, peut-être par l’intermédiaire d’Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif et fervent défenseur du « made in France », grâce à son plan de résistance économique présenté tout dernièrement, ne laissera pas mourir un tel savoir-faire. Quant à moi, je revois le Pleyel demi queue art déco de la maison de campagne de mes grands-parents dans le bourbonnais et ses touches d’ivoire véritable, jaunies par le temps. Je repense à ces piles de vielles partitions notamment celles des chansons de Piaf qui s’entassaient sur le piano et aux énormes bouquets de pivoines colorées que ma grand-mère disposait sur celui-ci, habitant ainsi un salon à la décoration surannée. Un piano désormais à l’abandon. Des histoires de famille… Laissé pour compte, un peu comme Pleyel aujourd’hui.

Pour écouter le son Pleyel, rendez-vous ici.