Le rire pour arme…

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Je suis un public difficile. Il y a peu d’humoristes qui me font rire. Pourtant, hier soir, dans la salle pleine à craquer de la Maison de la Culture de Clermont-Ferrand, j’ai osé rire à gorge déployée de la première à la dernière minute du spectacle politiquement (très) incorrect sans filtre et totalement engagé de Jérémy Ferrari « Vends 2 pièces à Beyrouth ». Son thème : la guerre.

Dès les premiers mots, l’horreur est pourtant de la partie, directement, frontalement mais c’est tellement poussé à son paroxysme qu’on ne peut qu’en rire. N’allez pas croire que je sois accroc au cynisme ou à l’humour cinglant, voire noir, parce que la totalité du public, soit environ 1400 spectateurs, a ri autant que moi. Pourquoi ? Parce que l’humour de Jérémy, comédien, auteur et trentenaire révolté, est salvateur, libérateur, inquisiteur, déculpabilisant et intelligent et qu’il amène à se poser de vraies questions sur le monde dans lequel on vit.

A ce stade d’humour, on n’est plus dans le corrosif mais dans l’explosif. La pudibonderie n’a plus sa place et qui aurait pu imaginer que l’on puisse s’autoriser à rire à l’évocation de sujets aussi sensibles que le terrorisme ? D’ailleurs dès le début du spectacle, le ton est donné : Jérémy désigne un chef de sécurité de fond de salle et lui demande s’il serait capable de désarmer un terroriste en cas de Bataclan bis. Il propose ensuite « aux pauvres spectateurs du fond et du balcon » de faire barrage pour permettre aux riches de devant de s’échapper plus vite.

Il évoque ensuite le recrutement d’extrémistes dans un sketch hilarant ou un recruteur de Daech se retrouve désespéré face à de nouveaux candidats au suicide kamikazes totalement incapables. Il se met dans la peau du pompiste qui a permis d’arrêter les frères Kouachi lors de l’attentat de Charlie Hebdo, nous donne un cours de géopolitique accéléré de la naissance de Mahomet aux attentats du 11 septembre, explique le conflit israélo-palestinien, évoque la sécurité de l’Etat et ses dysfonctionnements.

Il s’en prend à nos dirigeants, aussi bien Hollande que Sarkozy et à leurs conseillers (BHL est largement égratigné) qui partent en guerre pour soit disant rendre aux peuples leur liberté, et qui s’en vont, alors même que c’est le plein chaos dans ces pays où ils sont intervenus. Tout ça pour monter dans les sondages parce que c’est bien connu : la guerre ça dope la côte de popularité. Il dénonce l’inacceptable comme la remise de la légion d’honneur au Prince héritier d’Arabie saoudite (pays des droits de l’Homme c’est bien connu), la présence de dictateurs à la marche pour la liberté l’année dernière…

Comme le pitch de son spectacle le promet, Jérémy Ferrari répond aux questions que l’on ose même plus poser :

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En période d’état d’alerte sommes-nous vraiment protégés par la police montée ou celle qui patrouille en roller ? Daech, est-ce vraiment une start up qui monte ? Les entreprises qui ont fait fortune grâce au régime nazi doivent-elles s’en vouloir ? Il vous promet une formation antiterroriste et vous explique pourquoi Al Qaida sans Ben Laden, c’est comme Apple sans Steve Jobs.

Provocateur ? Jérémy Ferrari l’est sans nul doute mais très remonté sur certains faits sociétaux, il utilise un humour acéré, cinglant, mais extrêmement documenté, et des textes affutés travaillés avec pertinence et intelligence pour dénoncer l’inacceptable.

Dès lors, lassé d’être considéré comme des béni-oui-oui et d’accepter sans ciller « la soupe » que les politiques nous servent et que les médias relaient comme un seul homme, le public, pris à parti dès les premières minutes, adhère au spectacle jusqu’à acclamer par une standing ovation spontanée l’artiste, à l’issue du show.

Jérémy dit haut et fort avec maestria ce que la majorité pense tout bas et que nos gouvernants ne veulent surtout pas entendre. C’est certain, ça ne va pas plaire à tout le monde mais presque toutes les dates affichent « complet ».

Plus que culotté, courageux, Jérémy Ferrari affirme ne pas avoir voulu une seule seconde se censurer et n’hésite pas à faire tomber la bien-pensance collective qui voudrait qu’on n’évoque pas certains sujets générateurs de tensions, qu’on ne touche pas aux Institutions ni même à l’image reluisante de certaines ONG pleines aux as, sensées prendre part au sauvetage des maux du monde et qui s’en mettent plein les poches (bilans comptables à l’appui). D’ailleurs, Jérémy va plus loin, sur son site internet, on peut consulter et télécharger toutes les sources documentées dont il s’est servi pour l’écriture de son spectacle.

Certains comparent Jérémy à Daniel Balavoine pour ses prises de position (on s’en souvient, nullement impressionné, il n’a pas hésité à ferrailler verbalement avec Valls dans l’émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier), d’autres à Coluche pour son côté populaire ou à Desproges,  mais Jérémy est lui même, sans compromis, refusant d’aller, comme il le dit sur scène « se faire des hémorroïdes sur un plateau penché » (dixit l’émission d’Arthur) pour céder aux sirènes de la promo facile.

Si Jérémy  « emmerde le monde », il transpire la sincérité et nous permet d’affirmer que oui, on peut rire de tout, dès lors que c’est intelligent et que ça ouvre le débat.

Cheers !

Jérémy Ferrari est en tournée jusqu’en juin 2017. Pour consulter les dates de ses prochains shows, c’est par ici.