Juste après l’humanité naufragée …

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En surfant sur les réseaux sociaux ou en écoutant les médias hier, nul ne pouvait passer à côté du hashtag « Humanité naufragée ».
A l’appui, l’image dotée d’une puissance émotionnelle insoutenable, parce qu’il s’agit d’un enfant, du petit Aylan Kurdy, 3 ans, semblant dormir, mort sur une plage de la station balnéaire turque de Bodrum. Rejeté, autant par la mer que par le peuple européen, symbole malgré lui de la désespérance des migrants.

« Ils sont déjà 351 000 selon l’Office International des Migrations à avoir pris le risque de traverser la Méditerranée en 2015, soit 60% de plus que l’année précédente ». Ce n’était pas la première fois que la reporter Nilüfer Demir photographiait des migrants noyés sur les plages turques. Mais la brutalité du cliché de cet enfant qui évoque la vulnérabilité et l’innocence sacrifiée, a fait le tour du monde en quelques clics et enfin secoué les consciences sur un drame humain qui n’a malheureusement rien de nouveau.

Aucun homme, aucune femme ne peuvent rester insensibles à cette tragédie qui secoue le monde et lui fait prendre conscience de l’urgence humanitaire prête à faire exploser les frontières de l’Europe. Je lis sur Facebook et Twitter des statuts qui somment notre gouvernement d’accueillir des migrants. D’autres qui, sensibilisés par le drame leur sautant au visage, se proposent d’héberger des réfugiés chez eux presque un peu comme on récupérerait un chaton égaré.

Il est vital de ne plus fermer les yeux sur un exode qui tue des centaines d’innocents quotidiennement et permet à des passeurs opportunistes, chaque jour, sous les yeux des autorités turques, de s’enrichir de la misère de ces pauvres gens. Ceux là même qui n’ont pas d’autre alternative que de tenter, au péril de leur vie, de fuir à tout prix dans l’espoir d’une existence « meilleure ».

C’était le cas de la famille d’Aylan, originaire de la ville syrienne de Kobané, détruite par la guerre.
Désespérée, elle tentait de rejoindre la Grèce. Hier, à l’heure où nos charmantes têtes blondes riaient dans les cours de récréation, il n’y avait plus de famille Kurdy. Sauf le père d’Aylan, désormais seul survivant, qui a décidé de retourner à Kobané, portant dans son coeur la peine éternelle et sans aucun doute la culpabilité de n’avoir pu retenir ses enfants lors du chavirage de leur embarcation.

Jusqu’alors, l’Europe était désunie dans ce combat et les pays membres étaient incapables de trouver une solution durable et cohérente. Il parait évident que certains choix ou absence de choix politique rendent les grandes puissances responsables de ce désastre migratoire.
Ni politologue ni sociologue, je n’ai absolument aucune légitimé pour m’exprimer sauf celle de la compassion que je ressens à l’égard de ces gens depuis déjà longtemps et j’en appelle maintenant au courage des politiques. Nous ne les avons pas élus pour seulement twitter l’actualité mais pour prendre leurs responsabilités de femmes et d’hommes d’Etat.

Cependant, je pense qu’il est nécéssaire de faire attention à ce que la surexploitation de ce cliché ne vise pas à prendre en otage nos consciences.

Il n’est pas certain que l’accueil inconditionnel des migrants ne soit une solution pérenne pour l’avenir de notre pays. Il est urgent d’accueillir les familles fuyant les combats de façon réfléchie et organisée avec un réel plan à la clé.

La résolution d’une crise de cette ampleur, ne se fera pas dans l’urgence de l’émotion. L’Union européenne est capable de se réunir des nuits entières pour parler du sauvetage financier de la Grèce mais est-elle capable de le faire afin de sauver des vies humaines ? Il est temps pour l’Europe de se ressaisir et de faire enfin face au drame qui se joue à ses portes.

Face à cette urgence, pourquoi l’Europe n’envoie t-elle pas des navires de guerre pour empêcher les passeurs de faire leur sale boulot ? Ce serait déjà un début.

Quand au problème de fond, à savoir la motivation de ces pauvres gens qui, acculés par la noirceur de leur présent et leur absence de futur, s’embarquent sur des rafiots de fortune, il est complexe et doit être réglé à la source, notamment en luttant ardemment contre les ambitions d’extension du fléau barbare Daech. Messieurs les gouvernants à vous de prendre vos responsabilités, de mener de véritables actions de politique étrangère, peut-être en rouvrant le dialogue avec la Russie, l’Iran et la Syrie.

Hier, j’ai regardé la photo de ce petit garçon, devenu à lui seul le symbole martyr de tous les peuples migrants. J’ai repensé à cette chanson de Cabrel, « African Tour » que je vous laisse découvrir ou redécouvrir ici. Ecrite il y a déjà quelques années, elle est tristement toujours d’actualité, même si elle évoque les migrants africains.

A l’heure où je suis allée me coucher, éprouvée comme chacun par la misère du monde, j’ai pensé à cet homme qui avait l’humanité naufragée dans ses bras.

En regardant longuement la photo de ce policier turc qui, semble t-il, porte avec précaution cet enfant sans vie, je me suis demandée ce qu’il avait fait, juste après.

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