Je pense donc je suis…

charlie

Cela fait des jours que je remets à demain le billet que vous lirez aujourd’hui.

Toujours « sonnée » par les événements du 7 et du 9  janvier qui nous ont tous laissé éberlués devant nos téléviseurs, je n’arrivais pas jusqu’alors à sélectionner un sujet léger, « life style », digne d’être évoqué sur prosekawa.

Sans doute, une sorte de décence nécessaire que je m’imposais.

Loin d’oublier ce qui s’est passé, la vie reprend son cours immuablement et je songe avec amertume, qu’il n’aura fallu pas moins de 17 morts pour que Charlie Hebdo ne vende 7 millions d’exemplaires alors que ses tirages n’atteignaient en général -et d’ailleurs assez laborieusement- que les 40 000 copies.

Je n’étais pas une « fan », je ne l’achetais pas, ne trouvais pas toujours de bon goût tous les dessins qui y paraissaient mais je respectais la publication, patrimoine satyrique de notre presse française.

Je repense à Charb, à Wolinski, à  Cabu -figure de mon enfance car acolyte de Dorothée-  … Ceux- là mêmes qui ont bien des fois dû s’arracher les cheveux pour  tenter de trouver « LA une » qui boosterait les ventes. Jamais, c’est certain, parce qu’inimaginable, ils n’auront envisagé que leur propre exécution ne permette de faire exploser les ventes de leur journal.

En ma qualité de blogueuse, je me suis interrogée sur le bien-fondé d’évoquer le sujet, j’ai pointé mon illégitimité à le faire et puis je me suis souvenue, qu’en tant que simple citoyenne, je pouvais aussi, par l’intermédiaire de mon clavier, me dresser contre l’obscurantisme, la barbarie et le fanatisme primaire.

J’ai dévoré la presse nationale et internationale, participé à de longs débats houleux et enflammés sur les réseaux sociaux -notamment avec des étrangers- découvert les théories de complots abracadabrantes exposées ici et là.

Pour moi, la vérité est bien plus simple, bien plus frontale, bien plus triste aussi.

Cet attentat contre le droit à la liberté d’expression est le résultat d’une montée toujours en progression, d’un obscurantisme et d’un fanatisme des plus primaires, les crimes d’individus incultes qui n’ont aucun droit de se revendiquer d’une religion, sensée reposer sur l’amour du prochain et la tolérance.

Par ailleurs :

OUI, on peut « être Charlie » et respecter l’Islam et les musulmans au même titre que tous les autres croyants et laïques de la terre.

OUI, en parallèle, on a le droit de ne pas apprécier ou d’être même choqué par les caricatures reproduites dans Charlie Hebdo, mais à la fois, on doit accepter -c’est le fondement même de la démocratie- que ces dessins puissent être publiés et s’ouvrir au débat.

Répondre au droit d’expression par une violence punitive est une négation du dialogue, de la tolérance et de l’intelligence humaine tout court.

J’aime à partager la théorie d’Adonis Ahmad Saïd, considéré comme l’un des plus grands poètes arabes vivants qui, déjà en 2006, était tristement visionnaire et exposait lors d’une interview à laquelle il répondait sur une chaîne de télévision de Dubaï, certains principes.

Il expliquait alors je cite «  qu’ aujourd’hui la parole d’opinion est considérée comme un crime ». Il exhortait alors les musulmans à  savoir écouter les avis différents des leurs. Toujours selon lui, « les conditions de la démocratie n’étaient pas réunies dans les pays arabes car ces conditions ne pourront exister que si la religion est réinterprétée correctement et comprise comme une expérience spirituelle personnelle qu’il convient de respecter. » Ainsi, nous disait-il : « toutes les questions aux affaires de la cité et des individus devraient être réglées par le droit et les individus eux-mêmes » d’où l’aberration d’un état religieux quel qu’il soit.

Il enjoignait aussi le monde et les musulmans à « ne pas craindre la liberté, même si elle est un lourd fardeau car elle nous place en face de la réalité du monde dans sa globalité, nous oblige à affronter les problèmes du monde. »

Enfin, il soulignait « la perte de puissance créatrice des Arabes sur ces 100 dernières années, c’est-à-dire le pouvoir d’améliorer et de changer le monde, expliquant cette perte créatrice par le fait d’appréhender un monde nouveau avec des idées révolues et dans un cadre dépassé. »

Pour lui, certains musulmans d’aujourd’hui « avec leur interprétation des écrits religieux sont les premiers à détruire l’Islam tandis que ceux qui critiquent les musulmans, les non-croyants, les infidèles, comme on les appelle, perçoivent dans l’islam la vitalité qui pourrait l’adapter à la vie. »

Depuis toujours la liberté d’expression n’a cessé d’être bafouée à travers le monde.

Pour preuve encore, l’assassinat de Shaïmaa al Sabbagh, une mère, épouse et militante laïque de 34 ans, symbole de la révolution égyptienne, qui a été tuée par des forces de l’ordre samedi 24 janvier dernier au cours du rassemblement d’un mouvement de gauche au Caire. La jeune femme manifestait pacifiquement à la veille du quatrième anniversaire de la révolte du printemps arabe de 2011 quand elle a été touchée par un tir de chevrotine émouvant ainsi la Toile toute entière.

Quant à Vladimir Ionov, retraité âgé de 75 ans, il a été arrêté à Moscou le 10 janvier puis condamné par un tribunal à 20 000 roubles d’amende pour avoir manifesté en solidarité avec Charlie Hebdo avec une pancarte  » Je suis Charlie ». Outre l’amende infligée à Vladimir Ionov, il est inculpé pour les mêmes faits et accusé d’avoir violé un nouvel article du Code pénal (article 212.1 sur la « violation répétée des règles de manifestations et rassemblements ») et risque une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison ferme.

Marc Galperine,  un autre manifestant,  a pour sa part été condamné à 38 jours d’enfermement pour avoir brandi une pancarte  » Je suis Charlie » dans les rues de Moscou au moment même où le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, participait à Paris à la Marche Républicaine du 11 janvier. Il est également accusé d’avoir violé l’article 212.1 du Code pénal russe et risque jusqu’à 5 ans de prison.

Les attentats de janvier nous ont brutalement mis face à une réalité :

Désormais en France aussi, la liberté que nous pensions à jamais acquise peut être à tout moment mise en péril.

Il est donc de notre responsabilité citoyenne, tous ensemble, de veiller à son maintien fondamental.

Les bouddhistes ont valeur d’exemple en nous expliquant que seule la compassion et l’enseignement ont vertu à grandir l’homme.

Gageons que les musulmans de France et d’ailleurs, dont les intégristes usurpent la religion, s’érigent contre les individus dont la violence et la barbarie primaire sont une insulte pour l’Islam.

Ce dimanche 11 janvier 2015, pour la première fois de ma vie, je suis descendue dans la rue. Cela m’a semblé une évidence, une obligation, notamment à l’égard de mes filles qui, du haut de leur enfance, doivent déjà faire face aux contradictions barbares régressives de notre monde.

J’ai été heureuse de percevoir une unicité et une fraternité quasi libertaires qui me semblaient avoir déjà disparues.

J’ai été fière d’être française et d’afficher alors que oui, j’étais Charlie.

Derrière l’injustice : la haine.

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Il y a un peu plus d’un an pour célébrer mon 40ème anniversaire, j’étais au Sri Lanka et terminais mes vacances par quelques jours aux Maldives.

J’avais envie d’écrire un billet sur les merveilles marines de l’océan indien mais depuis quelques jours, je me suis ravisée.

C’est un peu comme pour une chanson : à quoi sert un billet s’il est désarmé ?

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Celui-ci aura pour objet de dénoncer la barbarie dont nous sommes témoins et que nous tolérons encore au 21ème siècle, qu’elle ait lieu aux Maldives, au Soudan, en Iran ou ailleurs.

Après avoir lu ces lignes : vous aussi, vous connaitrez une autre réalité.

Je savais, sans avoir vraiment creusé la chose politique de ce pays, que l’Islam, que je respecte, est la religion d’Etat aux Maldives et que l’application de la charia y est stricte…

Enfin, pour les maldiviens, j’entends.

Dans ce pays où le tourisme de luxe est l’activité essentielle, on ferme les yeux sur l’alcool que les riches étrangers consomment à gogo et sur les poitrines dénudées des jeunes femmes inconscientes et incultes qui pensent à leur bronzage et s’exposent sans pudeur sur un sol musulman. Tout ca pour quoi ? Pour l’argent. Tout est fait pour récupérer les devises des clients fortunés.

Mais cette pseudo tolérance elle, n’a pas cours pour les Maldiviens.

En 2013, une jeune fille de quinze ans, victime des viols répétés de son beau père avait été condamnée à 100 coups de fouets administrés en public pour avoir eu des relations sexuelles hors mariage. Hérésie totale, car il est bien certain qu’aucune religion au monde prônant l’Amour de son prochain ne pourrait valider une telle aberration ni cautionner un tel crime.
Le système judiciaire repose donc essentiellement sur la charia et la responsabilité pénale fixée à 10 ans désormais, a été abaissée à 7 ans pour certains délits dont le vol ou la consommation d’alcool.

Vous ne rêvez pas : dans ce pays de carte postale qu’on imagine un véritable éden, tout au moins pour ceux qui viennent y passer leurs vacances ou leurs nuits de noce, des ENFANTS risquent désormais la peine de mort.

Après 60 ans de moratoire, le gouvernement des Maldives qui estime que « le meurtre doit être puni par le meurtre » a rétabli depuis le 27 avril dernier la peine capitale pour les mineurs âgés d’au moins 7 ans.

En ce qui me concerne, je ne peux fermer les yeux et considère le boycott de ce pays, comme LA solution qui s’impose pour faire pression sur le gouvernement maldivien.

5 siècles de retard au Soudan

Août 1572 marque le début en France de la nuit de la Saint Barthélémy et du massacre de ses protestants.
Dans notre pays aussi on a parfois oublié que « Dieu est Amour ».

Aujourd’hui en 2014, au Soudan, on meurt encore si on n’abjure pas.

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Abbas Mohammed Al-Khalifa, juge « tortionnaire » soudanais a condamnée à la peine de mort une jeune chrétienne soudanaise de 27 ans pour apostasie (personne qui renonce publiquement à une doctrine ou à une religion).

En lui lisant le jugement, il a déclaré : «Nous vous avions donné trois jours pour abjurer votre foi mais vous avez insisté pour ne pas revenir vers l’islam. Je vous condamne à la peine de mort par pendaison »…

Or la jeune femme, Meriam Yahia Ibrahim Ishag a déclarée avoir toujours été chrétienne.
Elle a été élevée dans la religion de sa mère, et son père, de religion musulmane, a toujours été absent de son enfance.

Elle a de plus « aggravé son cas » en se mariant avec un chrétien du Soudan du Sud dont elle a pris le nom.

Cela lui a valu la sentence supplémentaire de 100 coups de fouets, malgré le fait qu’elle soit, enceinte de 8 mois*, emprisonnée et enchaînée, dans l’attente de sa pendaison.

*EDIT : Au moment où j’évoquais ici ce mardi 27 mai 2014 l’histoire de Meriam, cette dernière donnait naissance en prison, dans les conditions qu’on imagine, à une petite fille qui s’appellerait selon l’avocat de la jeune femme, Maya. Les autorités soudanaises ont déclaré reporter sa condamnation à mort pendant deux ans pour lui permettre d’allaiter son nouveau né. Elle recevra les 100 coups de fouet quand elle aura récupéré de son accouchement.

Quant à l’accusation d’«adultère», elle repose sur la charia, la loi islamique en vigueur au Soudan depuis 1983 qui interdit aux femmes musulmanes d’épouser des hommes d’une autre religion.

La religion ne doit t-elle pas prôner la tolérance ?

Les pays musulmans, dits modérés, observent, quant à eux, un silence assourdissant.

En Iran, on n’a pas le droit d’être « happy » dévoilée.

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Postée en mai sur YouTube, une vidéo « maison » tournée avec un simple iphone présentait trois hommes et trois femmes chantant et dansant dans des rues et sur des toits de Téhéran sur la musique du chanteur pop américain Pharrell Williams tout comme des milliers de jeunes et de moins jeunes l’ont déjà fait à travers le monde.

Ce clip qualifié de « vulgaire ayant heurté la chasteté du public sur Internet » a provoqué la colère des milieux conservateurs iraniens, qui déplorent que les jeunes délaissent les valeurs islamiques au profit des valeurs occidentales. Six des jeunes figurant sur le clip ont donc été arrêtés et contraints d’avouer leur « acte criminel ». Rien que ça.

A la fin de leur clip, les jeunes indiquaient pourtant :
«Happy est une excuse pour être heureux. Nous avons aimé chaque seconde passée à réaliser cette vidéo. Nous espérons qu’elle vous donnera le sourire.»

Pas certain, que ces jeunes l’aient encore, eux, le sourire.

Si vous n’avez pas encore vu la vidéo, c’est par ici.

Surtout ne ratez pas l’occasion de contribuer à en accentuer sa viralité en la visionnant et en la partageant.

En effet, grâce aux réseaux sociaux et à la toile, l’information est rendue publique et accessible à travers le monde.

« Chemin pour respecter la loi de Dieu ». Telle est la définition du mot Charia.

Comme le niveau, l’intensité et l’étendue du pouvoir normatif de la charia -ou loi islamique- varie considérablement sur les plans historiques et géographiques, on peut légitimement s’interroger sur le fondement de cette dernière.

Qui, de Dieu ou des hommes, valide ces normes doctrinales, sociales, culturelles, et relationnelles parfois, aussi primaires, barbares que datées ?

Les hommes, malgré la modernisation de nos sociétés continuent au nom des religions à s’entretuer.

Ils sont devenus fous.

L’humanité va avoir bien du mal à s’en relever.