« J’accuze »

Lettre au Président de la République, François Hollande et à son Ministre de l’éducation nationale.

ORTHOGRAPHE

« Me permettez-vous, dans mon ingratitude pour l’accueil que vous ne m’avez jamais accordé, en ma qualité de simple citoyenne et mère de trois enfants, d’avoir le souci de votre empreinte sur ce 21ème siècle et de vous dire que votre étoile, malheureusement jusqu’ici pas aussi brillante dans les sondages que vous ne l’auriez souhaitée, est menacée de la plus triste des taches ?

J’oserai, moi, vous dire la vérité : celle d’une France qui ne maîtrise plus son verbe, d’une France à qui l’on inculque avec toujours moins d’exigence, l’orthographe, la grammaire et la conjugaison.

A l’heure où l’on invoque pour l’équité des classes sociales, une école sans devoirs alors que paradoxalement l’ensemble de nos dirigeants sortent des grandes écoles, vous le premier ; j’oserai moi, vous dire à nouveau : n’est-ce pas là un discours populiste et totalement démagogue que celui d’imaginer, que tous ces diplômés sont à ce point brillants, qu’ils n’aient eu à fournir durant toutes leurs études aucun travail ?

Oserez-vous confirmer qu’il ne faille point maîtriser notre langue pour espérer intégrer puis sortir diplômé de Polytechnique, HEC ou encore de l’ENA ?

Vous l’aurez compris, je n’ai ni le talent, ni la plume d’Emile Zola, et nous ne sommes plus en 1898 mais je me targue de prendre encore plaisir à ordonner mes mots pour décrire ce que j’estime être des maux de notre société même si tous les enfants, je vous le concède, n’ont pas vocation à sortir diplômés de grandes écoles.

L’émergence des SMS, des messageries instantanées ainsi que des réseaux sociaux a généré des élèves qui ne s’intéressent plus à la langue française ni d’ailleurs à quoi que ce soit d’autre que multimédia.

D’aucuns diraient que la faute incombe à l’Education Nationale seule ; l’Etat donne-t-il réellement les moyens aux IUFM de prodiguer des formations de qualité aux professeurs des écoles ? Pour preuve, selon le site France-Examen.com,  « les horaires consacrés à l’étude du français au collège n’ont cessé de décroître. Aussi l’orthographe apparaît-elle comme une « patate chaude » que l’on se refile de l’école primaire au collège. »

J’ai vu l’une de mes filles, à présent en 5ème, exceller dans des dictées en CM2, où l’on valorisait l’élève en comptant les mots… justes, sous prétexte que le « j’ai zéro » pourrait se transformer dans l’esprit des écoliers en « je suis zéro ». Ainsi pour une dictée de 80 mots, lorsque l’on a 60 mots correctement orthographiés, on se glorifie d’un 15/20  alors que ces 20 fautes nous auraient valu un bon zéro pointé il n’y a encore pas si longtemps.

De même, je m’interroge sur l’approximation de l’évaluation établie par des feux rouge, orange ou vert alors que dès la 6ème la « violence » du couperet des notes tombe.

Le constat semble encore plus alarmant quand on s’aperçoit que non seulement les élèves font des fautes d’orthographe, mais que certains instituteurs en font également régulièrement y compris dans leurs leçons polycopiées – leçons qu’ils ont eux mêmes préparées alors qu’en primaire, ils sont censés enseigner les rudiments de la lecture et de l’écriture à nos enfants. Ainsi, ai-je déjà lu dans un cahier de correspondance au CP « la réunion est annulé et reporté ». et l’instituteur de se défendre prétextant une faute de frappe et pire encore selon moi : de ne s’être pas relu avant de photocopier le message distribué à l’ensemble des parents qui, soit dit en passant, n’étaient pas venus s’en plaindre, eux !

L’une de mes amies qui accompagnait une classe lors d’une journée pédagogique, a assisté à un jeu du pendu au tableau qu’animait une maitresse de CE1 : le mot à trouver était « dépendance ». A un élève suggérant la lettre « A », l’instituteur répondit qu’il n’y en avait pas. La surprise de mon amie fut grande lorsqu’à la proposition de la lettre  « E », elle vit le professeur des écoles  noter au tableau « DEPENDENCE » avec un « E » bien consciencieusement. Mon amie, atterrée, n’a pas osé contredire la maitresse devant ses élèves.

Autre erreur des plus fréquentes, confondre le participe passé en «é» et l’infinitif en «er», qui se prononcent de la même manière mais s’écrivent bien évidemment différemment.

Oseriez vous écrire, Monsieur le Président, « ce projet a été ratifier et je vais faire voté une nouvelle loi » ?

Je ne sais combien de fois, faisant acte d’un certain prosélytisme, j’ai voulu rallier à ma cause bon nombre de parents sur la question épineuse de l’orthographe. Ils ont TOUS fait mine de s’y intéresser. Hélas, ce sont souvent ces mêmes parents dont je lis sur Facebook les statuts, qui sont les premiers à faire ces fautes qui me hérissent. Bref, comment peuvent-ils sensibiliser leurs enfants à l’orthographe si eux-mêmes n’ont pas valeur d’exemple ?

Vous allez me croire pointilleuse, voire monomaniaque. Je veux simplement dénoncer une vérité que personne n’évoque : sans l’implication des parents à revoir les cahiers ou accompagner leurs enfants dans les devoirs ou la très grande chance d’avoir un instituteur exigeant « à l’ancienne » l’orthographe française risque fort d’être dévoyée et l’Ecole de la République de continuer à se niveler par le bas. Vous qui semblez être plutôt de gauche, n’y voyez vous pas une réelle injustice ?

Dans un article paru dans le Monde en février dernier « Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci, c’est vrai ! » rédigé par Antoine Prost, historien de l’éducation, on apprend « que la baisse se constate quelles que soient les compétences. A la même dictée, 46 % des élèves faisaient plus de 15 fautes en 2007, contre 21 % en 1997 » Ainsi, la France est passée entre 2000 et 2009, pour la compréhension de l’écrit, du 10e rang sur 27 pays au 17e sur 33. »

Un élève sur trois est faible en orthographe, contre un sur quatre dix ans plus tôt.

Le projet de Vincent Peillon donne opportunément la priorité à l’enseignement au primaire, mais paradoxalement, aucun ministre n’a de prise directe sur ce qui se fait dans les classes.

En clair, le professeur des écoles reste le seul maître à bord.

Antoine Prost nous rappelle donc qu’il est urgent de réfléchir aux moyens d’enrayer cette régression.

Non, Monsieur le Président, la langue française n’est pas une affaire de puristes et n’allez pas croire que la cacophonie de la réforme des rythmes scolaires risque d’améliorer la qualité de l’enseignement !

N’eut-il pas mieux valu, simplement raccourcir les vacances d’été ?

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« L’orthographe est de respect, c’est une sorte de politesse ». Alain